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Festival international du journalisme : des petites salles pour de grandes idées

Comment les femmes sont représentées dans les médias
Festival international du journalisme : des petites salles pour de grandes idées

Pendant quatre jours, j’ai eu la chance de participer au Festival international du journalisme Perugia, en Italie. Parmi toutes les conférences proposées, j’ai surtout choisi celles qui parlaient de la place des femmes dans le journalisme. Celles-ci étaient bien souvent relayées aux petits salles. Mon constat est clair : elles restent encore largement sous-représentées.

À Perugia, l’organisation du festival est un système bien huilé. Chaque conférence dure entre 30 et 50 minutes. À chaque fin de conférence, les spectateurs sont priés de sortir le plus rapidement possible pour laisser place à la conférence suivante. Les festivaliers se baladent ainsi de salle en salle, parfois en faisant la file pendant de longues minutes. Ce n’a pas été mon cas.

J’ai choisi des conférences qui portent sur la place de la femme dans les médias ; je me suis donc souvent retrouvé dans des plus petites salles, légèrement mises à l’écart, dont le public était majoritairement féminin. Ce qui m’a marquée, c’est que les panels étaient eux aussi presque exclusivement composés de femmes. Bien sûr, qui mieux qu’elles pour parler de ces sujets ? Mais cela montre aussi que le journalisme a encore du mal à intégrer ces questions dans les débats plus généraux.

Why I told this story

Parmi ces conférences, celle intitulée Why I told this story m’a particulièrement intéressée. Quatre journalistes y partageaient leurs enquêtes et expériences autour des questions de genre.

Carlotta Dotto, journaliste chez CNN, a présenté une enquête sur l’insécurité vécue par les jeunes filles en ligne. Selon ses chiffres, 44 % des filles ont déjà reçu des images à caractère sexuel sans l’avoir demandé, et 33 % ne se sentent pas en sécurité sur les réseaux sociaux. Selon cette enquête menée auprès de plus de 600 jeunes femmes et filles âgées de 13 à 24 ans dans neuf pays, 75 % d’entre elles ont déjà été confrontées à des contenus nuisibles en ligne. Plus d’une sur dix déclare y être exposée chaque jour, voire presque quotidiennement.

Pour répondre à cette enquête, Carlotta Dotto et la CNN ont créé des espaces de parole pour permettre à ces jeunes filles de s’exprimer sur leurs sentiments d’insécurité.

👉Lien vers l'enquête : https://www.cnn.com/interactive/2024/07/business/online-sexual-harassment-girls-survey-as-equals-intl-cmd/

Dans ce même panel, Peter Murimi, réalisateur kényan, a apporté un regard différent. Il a interrogé des hommes sur les violences faites aux femmes au Kenya et montré que, dans certaines cultures, la pression sociale empêche les hommes d’exprimer leurs émotions. Résultat : au cours de l’année écoulée, 70 personnes se sont suicidées dans le comté de Nyandarua, la plupart étant des hommes accablés par des soucis financiers et des attentes sociales trop fortes.  

👉 Découvrir son travail : https://rorypecktrust.org/fr/awards/winners/peter-murimi/

Peut-on encore parler de diversité ?

Un mot revenait dans presque toutes les conférences : l’intelligence artificielle. Même dans celles sur la diversité. Milica Pesic, directrice du Media Diversity Institute, expliquait que les algorithmes et bulles de filtres contribuent à renforcer les divisions et à marginaliser certains groupes. Elle se demandait même si le mot diversité n’était pas en train de devenir un « gros mot » dans les médias.

Pour Gary Younge, les journalistes ont un rôle important à jouer dans la défense de la diversité. Elle n’est pas acquise et est souvent mise à mal. Elle est challengée par des politiques comme Trump, qui, quand il accuse les habitants de Springfield de manger des chiens et des chats, pousse les journalistes à prouver que c’est faux. Il joue en quelque sorte avec le devoir de vérité des journalistes : « car c’est notre rôle de transparence, de défendre la démocratie et le pluralisme. »

Être une femme seule dans les médias : ce qu’il faut savoir

Cette dernière conférence, ""Being a “one woman show” in media: what you need to know", est celle qui m’a le plus marquée. Installée dans une petite salle à l’écart du centre-ville, quatre intervenantes s’adressaient à un public presque entièrement féminin. Deux hommes étaient présents, et ce sont eux qui ont applaudi le plus fort.

Joséphine Karianjahi, cofondatrice d’Africa Podfest a raconté son parcours pour créer un podcast dédié à l’Afrique. Elle expliquait qu’elle avait souvent tout géré seule : les taxes, les conférences de presse, le nettoyage des locaux… J’ai trouvé que son parcours était intéressant, mais qu’il soulevait beaucoup de problèmes non résolus : comme combien c’est dur d’être une femme dans ce système, comme le fait qu’elle n’avait pas eu d’aide et encore moins de soutien. J’ai pensé qu’elle venait en quelque sorte nous demander de l’aide lors de cette conférence, lui apporter un peu de visibilité.

Joséphine Karianjahi lors de la conférence Being a “one woman show” in media: what you need to know14:00 - 14:50, 12/04/2025 - Sala Brugnoli, Palazzo Cesaroni

Johanna Rüdiger, elle, est ce qu’on pourrait appeler la Hugo Décrypte allemande. Elle vulgarise l’actu sur TikTok et Instagram. Elle aborde souvent les thématiques avec un humour parfois décalé. Bien qu’elle ait aujourd’hui 153 000 abonnés sur Instagram, certains disent qu’elle a réussi « parce que tu bouges tes fesses sur TikTok ». Johanna Rüdiger met aussi en avant les défauts de l’algorithme TikTok qui va souvent préférer le sensationnalisme aux informations neutres. Elle met en lumière la prolifération des fake news sur les réseaux sociaux. Deux éléments avec lesquels elle doit travailler chaque jour dans son milieu.

Johanna Rüdiger lors de la conférence "Being a “one woman show” in media: what you need to know". 14:00 - 14:50, 12/04/2025 - Sala Brugnoli, Palazzo Cesaroni

Mon bilan

Ces quatre jours ont été riches en découvertes et en émotions. J’en ai appris beaucoup sur l’intelligence artificielle et ses impacts sur le journalisme. Mais j’ai aussi ressenti une frustration : peu de conférences proposaient de vraies solutions aux problèmes soulevés. Les constats étaient souvent les mêmes : manque de diversité, inégalités de genre… mais peu d’intervenants avançaient des pistes concrètes.

J’espère qu’à l’avenir, le festival laissera plus de place aux questions de genre et invitera davantage de personnes issues des minorités. Après tout, c’est peut-être ça, la solution.

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