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Au Festival International du Journalisme, on a oublié de parler du climat

Journalistes, étudiants, passionnés : ce 9 avril, nous étions des milliers à prendre l’avion pour Pérouse, ville d'accueille annuelle du Festival International du Journalisme. Ce voyage méritait-il de laisser une trace supplémentaire dans notre bilan carbone ?
Au Festival International du Journalisme, on a oublié de parler du climat
Une des six conférences qui parlait du climat sur les 198 du Festival International du Journalisme. Le titre : « Comment rendre les formations sur le climat efficaces et engageantes pour une rédaction sceptique ? » @Alexa Cano

Les sujets principaux ? L’intelligence artificielle, la couverture des guerres, la liberté de la presse, la crise du financement du journalisme… Mais attendez, on n’aurait pas oublié quelque chose ? Le réchauffement climatique est-il passé de mode ? Sur les 198 conférences programmées, seules six étaient consacrées aux questions environnementales. Six petites conférences, alors que nous avons franchi en 2024 la barre des +1,5 °C de moyenne par rapport à l’ère préindustrielle. Six conférences, alors que les enjeux liés au sujet phare du festival – l’intelligence artificielle – sont éminemment climatiques. « Pour une requête à O3 - le prochain prototype d’OpenAI - on consommera l’équivalent de cinq pleins d’essence », expliquait Benoit Frénay, spécialiste en intelligence artificielle, au micro d’Arnaud Ruyssen en début d’année. Cet aspect-là, personne n’en a parlé à Pérouse. À la place, nous avons eu droit à des séances parfois dominées par l’autopromotion de Microsoft ou Google.

« Parler du climat dans les médias est désormais un choix entrepreneurial évident. », Mark Hertsgaard (Covering Climate Now). @Alexa Cano

« Tous les journalistes du 21ème siècle vont devenir des journalistes climatiques. » C’est ce qu’a répété avec conviction Mark Hertsgaard (Covering Climate Now). Ce jour-là, pendant une heure, quatre journalistes ont réfléchi à des plans de formation climat à destination de l’ensemble des journalistes d’une rédaction. Audrey Cerdan, rédactrice en chef du pôle climat chez France Télévisions, insiste : « Il faut continuer à raconter des histoires et à donner de l’espoir. Nos journalistes sont les meilleurs interlocuteurs pour réfléchir à la manière de traiter ce sujet, continue-t-elle. Il faut pouvoir répondre aux attentes du public et refléter la réalité que l’on traverse en France et dans le monde. » Pourtant, selon une étude de QuotaClimat, le temps d’antenne consacré au réchauffement climatique ne dépasse pas les 3 % dans les médias audiovisuels français. Pour Audrey Cerdan, il faut mettre ce chiffre en perspective avec les autres enjeux mondiaux actuels.

Et si, en plus d’en parler trop peu, on en parlait mal ? Le réchauffement climatique est un sujet lourd et anxiogène. Climate Adam, influenceur et youtubeur anglais, en est bien conscient. Il estime qu’il est essentiel d’en parler avec un ton plus léger, en adoptant les codes des réseaux sociaux. « Le sujet n’est pas drôle, mais moi je peux l’être », explique-t-il lors d’une rare conférence dédiée aux enjeux climatiques sur les plateformes en ligne. Pour lui, les réseaux sociaux sont un terrain de jeu intéressant pour mettre en lumière des solutions, tout en restant proche de son public. « Je suis très content d’avoir des commentaires sur mes vidéos : ils me permettent de mieux comprendre les questionnements de mon audience et d’en tirer de nouveaux sujets », témoigne-t-il. Le journalisme de solutions est également un objectif pour France Télévisions, « bien que nous devions rester alarmistes », nuance Audrey Cerdan.

« En fin de vidéo, Je passe toujours une minute ou deux à dire ce que nous pouvons faire pour changer. Sinon vous laissez les gens impuissants, c'est un sujet effrayant », Climate Adam au Festival International du Journalisme 2025. @Monica Rizza

Selon une étude de Covering Climate Now, 70 % de la population mondiale souhaite que les médias parlent davantage du changement climatique et 80 à 89 % estiment que leurs responsables politiques n’en parlent pas assez. Pour Mark Hertsgaard, c’est clair : « Parler du climat dans les médias est désormais un choix entrepreneurial évident. » Reste à voir comment les journalistes, en Belgique et ailleurs, couvriront la COP30. Est-ce un sujet réservé aux journalistes spécialisés du climat ou bien un enjeu qui devrait infuser l’ensemble des rédactions ? Pour Audrey Cerdan, « l’idée n’est pas de créer de nouvelles rubriques climat dans les rédactions, mais plutôt de lui faire une vraie place parmi les sujets à la une ». Ce qui est certain, c’est que les préoccupations journalistiques à Pérouse ne semblaient pas tourner autour de l’Amazonie…  Ni de la COP30, qui arrive ce dix novembre prochain.

 

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