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Écoutez cet article lu par Damien Van Achter

Cette initiative de l'ICE américaine révèle une escalade inquiétante dans la militarisation numérique des politiques migratoires. L'agence contractualise des « agents IA » spécialisés dans le « skip tracing » – une pratique qui consiste à traquer numériquement des personnes pour vérifier leurs adresses, cartographier leurs réseaux familiaux et faciliter les arrestations.
Ce qui frappe, c'est la dimension systémique de cette approche : nous ne parlons plus de surveillance ponctuelle mais d'une infrastructure automatisée de traque qui transforme chaque trace numérique en preuve d'existence localisable. Ces IA ne se contentent pas de retrouver un individu – elles reconstituent ses liens sociaux, créant des « graphes relationnels » qui exposent famille, amis et communautés entières.
La sous-traitance à des entreprises privées ajoute une couche d'opacité préoccupante. Quels algorithmes ? Quelles sources de données ? Quels critères de fiabilité ? L'article évoque des centaines de milliers de dollars déjà dépensés, avec des dizaines de millions prévus – un marché florissant de la surveillance migratoire qui échappe largement au débat public. Cette industrialisation de la traque interroge frontalement notre rapport collectif à la vie privée et à la solidarité.
Points de vigilance : Risque de normaliser la surveillance de masse comme « efficacité administrative », confusion entre innovation technologique et progrès social, externalisation de la responsabilité morale vers des « algorithmes neutres »
8/10 : Score sur l'échelle des "5 piliers de la liberté", inspiré de l'ouvrage de Timothy Snyder

Et maintenant ?
Face à ces enjeux, plusieurs pistes d'action systémique se dessinent.
🤘 Créer des coalitions « villes sanctuaires numériques » qui refusent activement la coopération avec ces systèmes de traque.
On pourrait imaginer des alliances entre municipalités progressistes, organisations de défense des droits civiques et acteurs tech éthiques pour développer des contre-infrastructures. Ces coalitions établiraient des « zones de protection numérique » : interdiction locale des technologies de skip tracing, création de réseaux d'alerte communautaires, développement d'outils de contre-surveillance. L'objectif serait de créer des îlots de résistance qui forcent l'ICE à réviser ses méthodes en rendant leur application géographiquement incohérente.
On saura que ça marche quand des dizaines de villes adopteront des ordonnances anti-skip tracing et que l'industrie de la surveillance migratoire commencera à perdre des contrats à l'échelle régionale.
💪 Transformer la transparence algorithmique en levier judiciaire contre ces pratiques de surveillance.
Les recours collectifs pourraient exploiter l'opacité de ces « agents IA » pour contester leur légalité. En exigeant la divulgation des algorithmes, des sources de données et des taux d'erreur dans le cadre de procédures judiciaires, on pourrait créer un précédent qui rende ces outils trop risqués juridiquement pour être utilisés massivement. Cette stratégie transformerait chaque arrestation basée sur ces IA en bataille juridique potentielle, augmentant drastiquement les coûts de conformité.
On saura que ça marche quand les premiers jugements commenceront à invalider des arrestations pour opacité algorithmique et que l'industrie du skip tracing devra publier ses méthodes.
✊ Développer des « passeports numériques solidaires » qui protègent les données relationnelles des communautés vulnérables.
Plutôt que de lutter uniquement contre la surveillance, cette approche consisterait à créer des infrastructures numériques communautaires qui rendent la traque plus difficile. Applications de communication chiffrée spécialisées, systèmes de partage de ressources anonymisés, réseaux d'entraide qui fonctionnent sans laisser de traces exploitables par le skip tracing. L'idée serait de reconstituer numériquement les solidarités que ces IA tentent de cartographier pour les détourner.
On saura que ça marche quand les communautés migrantes disposeront d'outils numériques sécurisés largement adoptés et que les taux de « réussite » du skip tracing commenceront à chuter statistiquement.
Ces pistes ne sont pas des recettes toutes faites, mais des points d'entrée pour repenser nos systèmes numériques selon une logique de liberté positive : non pas limiter, mais augmenter nos capacités collectives d'action.
Si tu connais des exemples réels qui vont dans ce sens — ou des contre-exemples qui méritent d'être documentés — partage-les moi et documentons les ensemble !
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