L'Afrique du Sud invente-t-elle l'après-Big Tech pour les médias ?

L'Afrique du Sud vient de signer un accord pour le moins unique avec Google, Meta et X, qui va bien au-delà du simple financement des médias. Droit d'opt-out de l'IA, priorité aux sources locales dans les résultats de recherche, formations obligatoires : une approche inédite.

25 déc. 2025
L'Afrique du Sud invente-t-elle l'après-Big Tech pour les médias ?
Photo by Jacques Nel / Unsplash

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Did South Africa just crack tech publisher deals?
#429: Landmark deal sees Google prioritise publishers in search, be given permission to opt out of AI training, and YouTube will digitise the state broadcaster…

Ce qui ressort de cet accord sud-africain, c'est qu'il casse le moule des négociations habituelles entre plateformes et éditeurs. Là où l'Australie, le Canada ou l'Europe se sont contentés de négocier des compensations financières, l'Afrique du Sud impose des obligations structurelles qui redonnent la main aux éditeurs.

Google accepte de laisser les utilisateurs prioriser leurs sources d'information locales dans les résultats de recherche. Les éditeurs peuvent refuser que leurs contenus alimentent l'entraînement des IA ou apparaissent dans les AI Overviews. Plus fort encore : toutes les plateformes (Google, OpenAI, Meta, X) doivent former les éditeurs à ces nouveaux droits. Dans les faits, on observe un renversement du rapport de force habituel où les plateformes dictent leurs conditions.

Le signal le plus frappant reste cette déclaration de Google qualifiant le soutien aux médias locaux de « responsabilité partagée ». Quand une plateforme qui a passé des années à minimiser sa responsabilité éditoriale adopte ce vocabulaire, c'est révélateur d'un basculement narratif. L'article mentionne aussi l'obligation pour les futures places de marché de licences IA de proposer les mêmes conditions en Afrique du Sud qu'ailleurs dans le monde – une clause d'égalité de traitement rarissime.

Bref, cette analyse révèle une approche qui ne se contente pas de réparer les dégâts financiers mais restructure les relations de pouvoir. Reste à voir si cette innovation réglementaire sud-africaine inspirera d'autres juridictions ou si elle restera une exception géographique.

Points de vigilance : Risque de capture réglementaire si les formations sont contrôlées par les plateformes elles-mêmes. Possibilité que les droits d'opt-out restent théoriques sans mécanismes de contrôle effectifs.

7/10 : Score sur l'échelle des "5 piliers de la liberté", inspiré de l'ouvrage de Timothy Snyder
Framework: Les 5 piliers de la Liberté
Certains articles publiés ici sont produits grâce à une grille d’analyse inspirée des 5 piliers de la Liberté, théorisés par l’historien Anthony Snyder dans son livre “De la Liberté” (2024). En croisant les piliers de Snyder et sa définition de la liberté positive/négative avec ceux de l’innovation dite “systémique”

Et maintenant ?

Face à ces enjeux, plusieurs pistes d'action systémique se dessinent.

🤘 Créer un réseau international de régulateurs 'copycat' qui s'inspirent mutuellement de leurs innovations les plus efficaces.

L'Afrique du Sud vient de prouver qu'on peut faire beaucoup mieux que les accords australiens ou européens. Une coalition Sud-Sud pourrait émerger, où des pays comme le Brésil, l'Inde ou le Nigeria adaptent et améliorent encore ces mécanismes. L'effet de réseau serait puissant : plus il y a de juridictions qui imposent des standards élevés, plus il devient coûteux pour les plateformes de maintenir des pratiques différenciées selon les pays.

On saura que ça marche quand d'autres pays du Sud adopteront et amélioreront les clauses sud-africaines dans les 12 mois, et quand Google commencera à proposer spontanément ces options dans d'autres régions d'ici 2-3 ans.

💪 Transformer les obligations de formation en véritable transfert de compétences techniques vers les médias locaux.

Au lieu de laisser les plateformes contrôler ces formations, créer des centres de compétences numériques indépendants, financés par les accords mais gérés par les éditeurs eux-mêmes. Ces centres pourraient devenir des laboratoires d'innovation éditoriale, développant des alternatives techniques (RSS enrichi, protocoles de distribution décentralisée) qui réduisent la dépendance aux plateformes.

On saura que ça marche quand ces centres produiront leurs propres solutions techniques d'ici 18 mois, et quand d'autres secteurs (santé, éducation) demanderont le même type d'accord d'ici 3-5 ans.

Utiliser la clause d'égalité mondiale comme levier pour standardiser les droits numériques à l'échelle planétaire.

Si l'Afrique du Sud obtient que toute place de marché IA mondiale offre les mêmes conditions sur son territoire, d'autres pays peuvent négocier des clauses similaires. À terme, cela pourrait créer un socle minimum de droits numériques universels, porté non pas par les pays riches mais par une coalition de juridictions moyennes qui refusent d'être traitées comme des marchés de seconde zone.

On saura que ça marche quand au moins 3 autres pays négocieront des clauses d'égalité similaires d'ici 2025, et quand les plateformes commenceront à proposer un standard unique plutôt que des conditions différenciées par pays d'ici 5 ans.


Ces pistes ne sont pas des recettes toutes faites, mais des points d'entrée pour repenser nos systèmes numériques selon une logique de liberté positive : non pas limiter, mais augmenter nos capacités collectives d'action.

Si tu connais des exemples réels qui vont dans ce sens — ou des contre-exemples qui méritent d'être documentés — partage-les moi et documentons les ensemble !

Plus d'articles, par "pilier" de la Liberté, selon Snyder

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