Quand CBS censure, les archivistes ripostent

Bari Weiss, nouvelle rédactrice en chef de CBS, censure un reportage 60 Minutes sur les déportations vers El Salvador. Les archivistes numérisent et diffusent l'épisode en torrent.

26 déc. 2025
Quand CBS censure, les archivistes ripostent
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7/10 : Score sur l'échelle des "5 piliers de la liberté", inspiré de l'ouvrage de Timothy Snyder
Archivists Posted the 60 Minutes CECOT Segment Bari Weiss Killed
iCloud, Mega, and as a torrent. Archivists have uploaded the 60 Minutes episode Bari Weiss spiked.

Cette affaire CBS révèle un conflit symptomatiq entre pouvoir éditorial centralisé et résistance décentralisée. Bari Weiss, fraîchement nommée rédactrice en chef, a ordonné le retrait d'un reportage 60 Minutes sur les déportations de Vénézuéliens vers la méga-prison salvadorienne CECOT, malgré les vérifications multiples de l'équipe. Ce qui aurait pu être une simple censure éditoriale s'est transformé en cas d'école sur la résilience de l'information.

La riposte des archivistes est révélatrice : ils ont immédiatement sauvegardé et diffusé l'épisode via torrents et plateformes de partage. Cette mobilisation spontanée illustre comment les réseaux décentralisés peuvent contourner les décisions de censure institutionnelle. L'email de la correspondante Sharyn Alfonsi à ses collègues, devenu public, témoigne aussi des tensions internes quand la direction politique prime sur le travail journalistique.

Ce cas dépasse la simple polémique médiatique : il pose la question de qui contrôle l'information dans un écosystème où les outils de sauvegarde et de diffusion sont largement distribués. La stratégie de CBS se heurte à une réalité technique : une fois qu'un contenu existe numériquement, le supprimer complètement devient quasi-impossible face à des communautés organisées d'archivistes.

Points de vigilance : Ne pas confondre liberté éditoriale légitime et censure politique. La défense de l'archivage ne doit pas servir de prétexte à la diffusion de contenus illégaux ou nuisibles.

Framework: Les 5 piliers de la Liberté
Certains articles publiés ici sont produits grâce à une grille d’analyse inspirée des 5 piliers de la Liberté, théorisés par l’historien Anthony Snyder dans son livre “De la Liberté” (2024). En croisant les piliers de Snyder et sa définition de la liberté positive/négative avec ceux de l’innovation dite “systémique”

Et maintenant ?

Face à ces enjeux, plusieurs pistes d'action systémique se dessinent.

🤘 Constituer un réseau d'archivage préventif des contenus journalistiques sensibles.

Plutôt que de réagir après censure, les organisations de défense de l'information pourraient créer un système de sauvegarde automatisée des productions médiatiques à risque éditorial. Cette infrastructure décentralisée, alimentée par les journalistes eux-mêmes via des protocoles sécurisés, permettrait de préserver l'intégrité du travail journalistique indépendamment des pressions hiérarchiques. L'idée serait de créer une forme de "coffre-fort numérique" collectif, géré par une coalition d'archivistes, de journalistes et d'organisations de défense de la liberté de la presse.

On saura que ça marche quand les rédactions commenceront à documenter systématiquement leurs processus éditoriaux, et quand émergera un standard technique d'archivage préventif adopté par plusieurs médias indépendants.

💪 Développer des standards de transparence éditoriale obligatoires pour les médias.

Cette affaire montre qu'il manque un cadre normatif clair sur la publication des décisions éditoriales controversées. On pourrait imaginer une obligation légale ou déontologique de justification publique quand un contenu journalistique finalisé et vérifié est retiré pour des raisons non-techniques. Cette transparence permettrait de distinguer les décisions éditoriales légitimes des censures politiques, tout en créant une pression sociale sur les directions de médias.

On saura que ça marche quand les conseils de presse intégreront ces critères dans leurs évaluations, et quand les annonceurs commenceront à conditionner leurs investissements à ces standards de transparence.

Créer un statut juridique protecteur pour les "journalistes-archivistes" au sein des rédactions.

L'email de Sharyn Alfonsi révèle l'isolement des journalistes face aux décisions hiérarchiques. Une piste serait de développer un cadre légal spécifique protégeant les professionnels qui documentent et préservent le travail journalistique censuré. Ce statut pourrait inclure un droit de sauvegarde préventive et une protection contre les représailles, sur le modèle des lanceurs d'alerte mais adapté au contexte médiatique.

On saura que ça marche quand les conventions collectives intégreront ces protections, et quand les tribunaux reconnaîtront le caractère d'intérêt public de ces pratiques d'archivage interne.


Ces pistes ne sont pas des recettes toutes faites, mais des points d'entrée pour repenser nos systèmes numériques selon une logique de liberté positive : non pas limiter, mais augmenter nos capacités collectives d'action.

Si tu connais des exemples réels qui vont dans ce sens — ou des contre-exemples qui méritent d'être documentés — partage-les moi et documentons les ensemble !

Cinq piliers pour prendre soin de nos libertés numériques

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