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Quand les petits médias refusent de disparaître : l'exemple du Fuller Project

Score élevé sur Solidarité (protection des groupes marginalisés, coalitions entre médias indépendants), Factualité (résistance aux attaques sur les faits, diversité des sources), et Souveraineté (indépendance éditoriale, modèles alternatifs aux plateformes dominantes).
A time for clear-eyed conviction — and courage
“Crisis is clarifying.”

Pendant que les géants du numérique rachètent les médias traditionnels, une galaxie de petites rédactions refuse de disparaître et invente des formes de résistance créative.

Le Fuller Project, média spécialisé sur les droits des femmes, se retrouve dans le collimateur d'InfluenceWatch, une plateforme de surveillance des médias financé par le think tank conservateur américain Capital Research Center et qui se positionne explicitement comme un contrepoids à SourceWatch, jugé trop progressiste. Mais plutôt que de se replier, sa directrice Eliza Anyangwe raconte comment ces attaques poussent son organisation vers encore plus d'audace.

L'article révèle un écosystème méconnu : Coda Story qui lance des événements live, The Continent qui distribue un journal panafricain via WhatsApp, Rappler qui maintient son accessibilité aux plus pauvres. Ces initiatives partagent une approche commune : transformer les contraintes en opportunités d'innovation.

Face aux algorithmes des plateformes, aux coupes budgétaires et aux campagnes de déstabilisation, ces médias développent des stratégies de contournement et tissent des solidarités transnationales. Le paradoxe est saisissant : alors que le secteur médiatique traverse sa plus grave crise, ces acteurs marginalisés expérimentent peut-être l'avenir du journalisme indépendant.

Points de vigilance : Attention à ne pas romantiser la précarité structurelle de ces médias ni à considérer leur survie comme suffisante. Le risque serait de normaliser un écosystème où seuls les médias les plus résilients ou les mieux financés survivent, créant une nouvelle forme de sélection darwinienne médiatique.

8/10 : Score sur l'échelle des "5 piliers de la liberté", inspiré de l'ouvrage de Timothy Snyder
Note méthodologique (5 Piliers)
Quelques mots sur la méthode utilisée concernant la production des articles “5 Piliers de la liberté”, inspirée du livre de Anthony Snyder (cfr. mon billet initial, lié la conférence élaborée sur le sujet en décembre 2025) Cette veille et ces analyses sont produites grâce à un système semi-automatisé que j’ai

Et maintenant ?

🤘 L'expérience du Fuller Project et de ses pairs suggère une voie : créer des infrastructures mutualisées de résistance médiatique.

On pourrait imaginer une coopérative européenne de médias indépendants qui partagerait les coûts techniques, juridiques et de fact-checking tout en préservant l'indépendance éditoriale de chacun. Cette alliance pourrait développer des outils anti-surveillance communs, des systèmes de distribution décentralisés (sur le modèle WhatsApp de The Continent), et surtout des mécanismes de soutien financier croisé quand l'un des membres subit des pressions. L'idée serait de transformer la précarité individuelle en force collective organisée.

On saura que ça marche quand on verra émerger des coalitions formelles de médias indépendants avec des budgets mutualisés et des outils techniques partagés, puis quand ces coalitions commenceront à influencer les politiques de financement public du journalisme.

💪 Le témoignage d'Anyangwe révèle un angle mort des politiques de soutien aux médias : elles se focalisent sur les grandes rédactions en difficulté plutôt que sur l'innovation à la marge.

Une régulation vraiment libératrice pourrait créer un "droit à l'expérimentation journalistique" : des zones franches réglementaires où les petits médias pourraient tester de nouveaux modèles économiques, de nouveaux formats, de nouvelles relations avec leurs audiences, sans subir les contraintes pensées pour des structures industrielles. Cela passerait par des dérogations fiscales pour l'innovation éditoriale, des financements publics spécifiquement fléchés vers les médias expérimentaux, et surtout une protection juridique renforcée contre les campagnes de déstabilisation organisées.

On saura que ça marche quand les appels d'offres publics pour le soutien aux médias privilégieront l'innovation sur la taille, puis quand on verra naître une génération de formats journalistiques impossibles à imaginer dans le cadre industriel classique.

L'histoire du Fuller Project montre qu'être surveillé peut devenir un atout si on retourne le stigmate.

Ces médias pourraient développer une "transparence offensive" : publier en temps réel leurs sources de financement, leurs méthodes éditoriales, leurs critères de fact-checking, créant ainsi une différenciation radicale avec les médias opaques. Des outils simples permettraient aux lecteurs de suivre le processus éditorial, de voir les corrections en direct, de comprendre comment une enquête se construit. Cette transparence deviendrait alors un avantage concurrentiel face aux plateformes et aux médias traditionnels qui cachent leurs algorithmes et leurs conflits d'intérêts.

On saura que ça marche quand la transparence éditoriale deviendra un critère de choix des audiences, puis quand les médias traditionnels seront contraints d'adopter ces standards de transparence pour rester crédibles.


Ces pistes ne sont pas des recettes toutes faites, mais des points d'entrée pour repenser nos systèmes numériques selon une logique de liberté positive : non pas limiter, mais augmenter nos capacités collectives d'action.
Si tu connais des exemples réels qui vont dans ce sens — ou des contre-exemples qui méritent d'être documentés — partage-les moi et documentons les ensemble !