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Écoutez cet article lu par Damien Van Achter

Cette alliance entre géants américains du transport et technologie chinoise révèle une reconfiguration majeure du pouvoir urbain. Ce qui ressort de cette initiative, c'est la convergence entre deux logiques de contrôle : les plateformes extractives d'Uber/Lyft et l'IA de surveillance chinoise via Baidu.
Dans les faits, on observe une triple dépendance structurelle. Souveraineté d'abord : les villes britanniques deviennent dépendantes d'algorithmes de navigation chinois dont le code reste opaque, créant un vendor lock-in géopolitique. Imprévisibilité ensuite : Baidu Apollo Go a déjà collecté des millions de trajets dans le monde, alimentant des modèles prédictifs sur nos mobilités urbaines. La promesse de « personnalisation » cache en réalité un profilage comportemental massif.
L'enjeu de Mobilité devient paradoxal : ces systèmes promettent plus de fluidité tout en nous enfermant dans des écosystèmes propriétaires. Impossible de choisir son itinéraire, son véhicule, ou même de comprendre pourquoi l'algorithme privilégie telle route. Quant à la Factualité, l'article ne précise pas les mécanismes de transparence : qui audite les décisions algorithmiques en cas d'accident ? Comment vérifier que les données de circulation ne sont pas biaisées ?
Ce qui saute aux yeux, c'est l'absence totale de consultation citoyenne dans cette transformation. Les municipalités négocient directement avec des consortiums privés, sans débat public sur les implications à long terme de cette "smartification" de nos mobilités.
Points de vigilance : Innovation washing : présenter l'efficacité technologique comme suffisante sans questionner les rapports de force. Fausse alternative mobilité individuelle vs collective. Géopolitique simplifiée USA vs Chine masquant les vrais enjeux de gouvernance urbaine.
7/10 : Score sur l'échelle des "5 piliers de la liberté", inspiré de l'ouvrage de Timothy Snyder

Et maintenant ?
Face à ces enjeux, plusieurs pistes d'action systémique se dessinent.
🤘 Créer des "licences sociales d'exploitation" pour les robotaxis, négociées par les conseils municipaux avec participation citoyenne obligatoire.
Plutôt que de subir les choix technologiques, les villes pourraient conditionner l'autorisation des robotaxis à des critères de transparence algorithmique, de portabilité des données et d'auditabilité publique. Une coalition municipalités européennes + associations de consommateurs + ONG de mobilité pourrait créer un standard commun, forçant les opérateurs à s'adapter plutôt qu'à imposer leurs conditions.
Cette approche casserait le cercle vicieux où les villes acceptent n'importe quelles conditions pour ne pas rater le train de l'innovation. En créant des effets de réseau entre municipalités, on inverse le rapport de force.
On saura que ça marche quand des appels d'offres conditionneront l'attribution à l'open source des algorithmes de routage, et quand les premières coalitions trans-municipales négocieront collectivement avec les plateformes plutôt qu'individuellement.
💪 Développer des "communs de mobilité urbaine" basés sur des protocoles ouverts et de l'infrastructure publique.
Au lieu de laisser Uber/Lyft + Baidu contrôler toute la chaîne, les autorités publiques pourraient investir dans des protocoles de mobilité interopérables (comme MaaS - Mobility as a Service mais vraiment ouvert) permettant à différents opérateurs - y compris coopératives et services publics - de proposer des alternatives. Les données de circulation deviendraient un bien commun géré démocratiquement, nourrissant des IA locales auditables plutôt que des algorithmes propriétaires étrangers.
Cela créerait un écosystème où la vraie concurrence repose sur la qualité de service plutôt que sur le lock-in technologique.
On saura que ça marche quand les premiers services publics de transport lanceront leurs propres flottes autonomes sur des protocoles ouverts, et quand émergera un équivalent européen de Baidu Apollo mais en open source.
✊ Imposer la "réciprocité algorithmique" dans les accords de déploiement technologique.
Si Baidu collecte des données de mobilité britanniques pour entraîner ses IA, la réciprocité voudrait que les chercheurs britanniques aient accès aux mêmes données agrégées pour développer des alternatives. Cette logique pourrait s'étendre : obligation pour tout opérateur étranger de contribuer à la recherche publique locale, avec transfert de technologie réel plutôt que cosmétique.
Une alliance universités européennes + régulateurs + syndicats de transport pourrait faire de cette réciprocité une condition systématique, créant progressivement une base technologique européenne autonome.
On saura que ça marche quand les premiers accords incluront des clauses de réciprocité obligatoire, et quand émergera un consortium de recherche pan-européen financé par les redevances des GAFAM et BATX opérant en Europe.
Ces pistes ne sont pas des recettes toutes faites, mais des points d'entrée pour repenser nos systèmes numériques selon une logique de liberté positive : non pas limiter, mais augmenter nos capacités collectives d'action.
Si tu connais des exemples réels qui vont dans ce sens — ou des contre-exemples qui méritent d'être documentés — partage-les moi et documentons les ensemble !
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